Quel rapport les Français entretiennent-ils avec la science ?
Comment les Français voient-ils et pratiquent la science ? Quels médias utilisent-ils pour s’informer ? À qui font-ils confiance ? Réponses.
Quel rapport les Français entretiennent-ils avec la science ? Une question qui a été fréquemment posée dans le débat public (pandémie, climat…). Pour apporter des éléments de réponse à ces questions et comprendre le degré d’appropriation de l’esprit critique au sein de la population, Universcience présente la deuxième édition de son Baromètre de l’esprit critique, réalisé par Opinion Way. En voici les grands enseignements :
Pas de rupture entre les Français et la science
Premier constat : la science fait partie de la vie quotidienne des Français. En effet, 23 % des sondés la citent comme centre d’intérêt (plus que l’actualité économique ou que les beaux-arts par exemple). Et pour 81 %, elle fait partie de la culture.
Un intérêt qui se confirme dans leurs actes et leurs pratiques puisque 58 % ont fréquenté un lieu ou un musée dédié aux sciences au moins une fois dans les trois dernières années et 55 % s’informent sur des sujets scientifiques au moins une fois par mois. Dans le détail, Internet représente la principale source d’information (80 %) suivi de près par la télévision (69 %). La hiérarchie change en revanche pour ce qui est de la confiance accordée aux médias, la radio se plaçant en tête (55 %) devant Internet (39 %) et les réseaux sociaux (37 %).
Une majorité convaincue du réchauffement climatique
Spécificité de cette édition 2023, le Baromètre a interrogé les Français sondés sur leur compréhension de la crise climatique. Si une majorité d’entre eux lient le réchauffement aux activités de l’homme et pensent que le réchauffement climatique fait consensus au sein de la communauté scientifique (63 %), plus d’un tiers des répondants ne sont pas d’accord ou ne se prononcent pas sur ces questions. De même, 22 % des sondés pensent que la récente vague de froid aux États-Unis dément le réchauffement climatique.
Mais à qui font-ils confiance pour parler du dérèglement climatique ? Les scientifiques sont vus comme étant les plus crédibles, avec une confiance à 42 % pour les climatologues, 35 % pour les autres scientifiques et les centres et musées des sciences et 30 % pour les journalistes scientifiques. La défiance est en revanche avérée envers les entreprises (12 % de confiance) et les responsables politiques (10 %), que les sondés situent au même niveau de confiance que les influenceurs et les représentants religieux.
L’esprit critique se développe dans la sphère privée et scolaire
Comment les sondés définissent-ils l’esprit critique ? Trois réponses arrivent en tête : faire preuve de raisonnement logique et rationnel (48 %), s’informer avant de prendre position (48 %) et être capable d’échanger avec des personnes ne pensant pas comme eux (43 %). Inversement « se méfier de ses intuitions » n’arrive qu’en fin de classement (18 %), révélant une large ignorance des biais cognitifs et de leurs risques.
Mais auprès de qui les sondés ont-ils développé leur esprit critique ? Les parents sont les premiers cités (72 %) suivis, au même niveau, des enseignants et des amis (68 %) loin devant les personnalités scientifiques (47 %) et les journalistes (40 %) : prédominance, donc, de la sphère privée et scolaire.
Et si une large majorité (74 %) pense que la pratique des sciences prépare l’esprit critique, ce sont les sciences humaines qui ressortent en premier, devant les sciences dures. Un esprit critique que les sondés semblent mettre en œuvre, puisque 80 % d’entre eux se disent prêts à changer d’opinion sur la base d’arguments convaincants et 75 % jugent important de remettre en cause des croyances traditionnelles en s’appuyant sur des preuves logiques et rationnelles. Ils peuvent le faire en débattant de sujets de société ou scientifiques, pratique répandue pour 65 % d’entre eux entre amis et pour 61 % durant le repas de famille, mais pas au travail (32 %) ou sur les réseaux sociaux (23 % seulement pour l’ensemble des sondés).
Et les jeunes ? Des 18-24 curieux et informés sur le climat
Les 18-24 ans apparaissent comme plus régulièrement en contact avec la science que leurs aînés, aussi bien en termes de fréquentation des lieux et musées des sciences (78 % contre 58 %), de prises d’informations régulières sur les sujets scientifiques (74 % contre 55 %) ou de pratiques d’activités scientifiques (61 % contre 38 %).
Autre différence générationnelle, les canaux d’information : pour accéder à l’actualité, c’est l’entourage (69 %), Internet (67 %) et les réseaux sociaux (54 %) qui s’imposent, loin devant les « vieux » médias auxquels ils ne font pas confiance accordant plus de crédibilité que leurs aînés aux réseaux sociaux (42 % contre 29 %).
L’importance de la crise climatique à leurs yeux ressort également de l’étude. Ils sont plutôt plus nombreux que la moyenne des Français à affirmer que le réchauffement climatique fait consensus chez les scientifiques (65 % contre 63 %), et que le CO₂ produit par les activités humaines en est la principale cause (67 % contre 63 %). La confiance est en outre plus forte dans cette tranche d’âge envers les centres et musées des sciences (51 % contre 35 %), les climatologues (48 % contre 42 %), les ONG (46 % contre 28%), les youtubeurs scientifiques (38 % contre 13 %) … et même les représentants politiques, même s’ils restent tout en bas du classement (25 % contre 10 %).
Toutefois, quelques discordances ressortent : les 18-24 ans sont plus nombreux que les autres Français à douter du réchauffement climatique au regard de la vague de froid aux États-Unis (37 % contre 22 %), de même, plus généralement, ils partagent moins l’idée qu’une affirmation a plus de valeur si elle a été validée scientifiquement (70 % contre 77 %) ou celle selon laquelle la science doit douter de tout ce qui n’a pas été prouvé (68 % contre 81 %). Enfin, plus d’un jeune sur deux ne se définit pas comme ayant l’esprit critique, et 57 % d’entre eux préfèrent parler avec des personnes qui partagent leur opinion (contre 42 % pour l’ensemble des sondés).
Méthodologie : Le Baromètre de l’esprit critique a été conçu avec l’appui d’un comité scientifique réunissant : Elena Pasquinelli (responsable Recherche et évaluation, Fondation La main à la pâte, associée à l’Institut Jean-Nicod, membre du Conseil scientifique de l’Éducation nationale), Magda Tomasini (directrice de l’Institut national des études démographiques), Michel Wieviorka (directeur d’études à l’École des Hautes études en sciences sociales).